Dixième anniversaire des attentats du 13 novembre 2015 à Paris
par Elissa Darwish et Ingrid Melander
La France marque ce jeudi le 10e anniversaire des attentats du 13 novembre 2015, au cours desquels des commandos de l'organisation Etat islamique armés de kalachnikovs et de ceintures d'explosifs ont attaqué des restaurants, des terrasses de café et la salle de concert du Bataclan à Paris, faisant 130 morts au cours d'une soirée de violence.
Dans un pays toujours profondément meurtri, les commémorations en présence d'Emmanuel Macron ont débuté en fin de matinée par une première cérémonie aux abords du stade de France à Saint-Denis, où cette vague d'attaques coordonnées a commencé lorsque des kamikazes ont fait sauter leurs ceintures d'explosifs à l'extérieur de l'enceinte pendant un match de football entre la France et l'Allemagne.
Le président de la République a déposé une gerbe au pied d'une plaque posée en hommage à Manuel Dias, premier mort de ces attentats, en présence d'élus, de représentants d'associations de victimes et de la veuve et de la fille de ce chauffeur d'autocar.
"Le choc est intact et l'incompréhension règne toujours", a dit cette dernière. "Dix ans après, j'aimerais savoir pourquoi. J'aimerais comprendre. J'aimerais que ces attentats cessent. Malheureusement, nous sommes impuissants."
"Le devoir de mémoire est précieux", a poursuivi Sophie Dias. "Puissions-nous sensibiliser les jeunes générations, leur transmettre les valeurs de notre République, leur rappeler tous ces innocents tombés comme mon papa, parti bien trop tôt, sans raison aucune."
"Puissions-nous vivre dans un pays libre et serein", a-t-elle conclu.
Les commémorations doivent se poursuivre toute la journée avec des cérémonies en présence d'Emmanuel Macron devant chaque lieu visé il y a 10 ans, avant une dernière cérémonie officielle puis un concert dans la soirée.
STRESS POST-TRAUMATIQUE
Commis dix mois après le massacre dans la rédaction de Charlie Hebdo et les attaques à Montrouge et au supermarché Hypercacher de la porte de Vincennes, ces attentats sont les plus meurtriers perpétrés en France depuis la Seconde Guerre mondiale. Ils ont entraîné la mise en place de mesures de sécurité d'urgence dont certaines ont ensuite été inscrites dans la loi.
Après l'attaque aux abords du stade de France, plusieurs équipes d'assaillants ont mitraillé des restaurants et des terrasses de café dans le centre de la capitale avant un assaut dans le Bataclan en plein concert, fauchant des dizaines de personnes sorties dîner, prendre un verre entre amis ou écouter de la musique.
Pour les associations de victimes, le bilan de ces attentats est de 132 morts après le suicide de deux rescapés au cours des années qui ont suivi.
Sébastien Lascoux, désormais âgé de 46 ans, se trouvait au Bataclan pour un concert du groupe de rock Eagles of Death Metal lorsque des détonations, qu'il a prises dans un premier temps pour des pétards, ont retenti au milieu de la musique. Il est rapidement devenu évident que la salle était la cible d'une attaque.
Autour de lui, des gens crient et commencent à tomber. "Et puis l'odeur du sang", se souvient-il.
L'un de ses amis est mort en tentant de protéger une membre de leur groupe.
"Par son geste, il l'a sauvée", dit Sébastien Lascoux, qui souffre encore de stress post-traumatique et reste incapable de se rendre dans des endroits bondés ou des espaces clos comme des salles de cinéma. La moindre détonation lui rappelle les coups de feu entendus ce soir-là.
"Il y a une partie de moi qui est morte ce soir-là, qui est restée dans la salle du Bataclan", dit-il.
Comme de nombreux rescapés, Sébastien Lascoux prévoit d'assister aux cérémonies organisées jeudi.
"LA VIE REPREND"
"La singularité du 13-Novembre, c'est que toute personne est potentiellement victime", dit l'historien Denis Peschanski. "Parce que soit était en âge d'être sur les lieux, soit, comme moi, était en âge d'avoir des enfants qui auraient pu être sur les lieux même si j'ai eu la chance qu'ils n'y soient pas."
Pour Catherine Bertrand, rescapée de l'attaque au Bataclan et vice-présidente d'une association de victimes, "ça nous a marqués à jamais". "On est profondément traumatisés, tous, par cette soirée, on pense forcément aux victimes et leurs proches", dit-elle.
Mais "la vie reprend", ajoute-t-elle, en évoquant les lieux attaqués. "On n'est pas sur des cimetières. On est sur des lieux vivants, il y a des concerts au Bataclan (...), les amis se retrouvent en terrasse."
Dix ans plus tard, la menace terroriste en France a évolué.
"Le type d'attaque comme celle qu'on a connue malheureusement il y a 10 ans, le 13 novembre, est moins probable. Une équipe projetée qui vient avec des djihadistes venus de Syrie, d'Irak, projetée sur le territoire national pour commettre un attentat est moins probable", a déclaré jeudi le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, sur BFMTV/RMC, en soulignant "l'affaiblissement de l'État islamique".
"Maintenant, la menace reste élevée parce qu'elle est toujours très endogène avec des individus présents sur le territoire national, qui se radicalisent très vite et qui fomentent des projets d'actions violentes", a-t-il ajouté, en recensant six attentats déjoués depuis le début de l'année en France.
Seul survivant des commandos djihadistes du 13-Novembre, Salah Abdeslam, condamné à la perpétuité incompressible et incarcéré à la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais), a été placé en garde à vue la semaine dernière et devait être mis en examen pour la détention d'une clé USB qui lui aurait permis de transférer de la propagande djihadiste (organisation Etat islamique et Al Qaïda) sur son ordinateur.
(Reportage Elissa Darwish, avec Antony Paone, Juliette Jabkhiro et Michel Rose, rédigé par Ingrid Melander, version française Bertrand Boucey, édité par Blandine Hénault)

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